Éditions Sorman

« Moins il y a d’habitants, plus on est utiles », affirme Olivier Denat, responsable de la communication et de l’évènementiel de Insite. Depuis 2019, cette association s’adresse à toutes les communes françaises de moins de 1 500 habitants. Elle y fait venir des jeunes pour qu’ils prennent en charge l’exécution de projets d’intérêt local. « Dans ces petites communes à taille humaine, leur venue peut être un vrai atout pour le lien social et le développement du village », ajoute le responsable. Insite s’appuie sur le dispositif du service civique qui permet à des jeunes d’effectuer des missions d’intérêt général, contre une petite indemnisation (620 € par mois). « Nous sommes un facilitateur pour des communes qui sont parfois très isolées et ultra-rurales, et qui n’ont ni le personnel, ni la technicité, ni les contacts avec les jeunes qui souhaiteraient s’engager », résume Olivier Denat.
Les communes qui ont des projets de développement et d’animation s’adressent ainsi à Insite, qui établit d’abord un diagnostic avec elles puis lance des appels à candidatures auprès des jeunes, notamment via les réseaux sociaux. Objectif : les convaincre de l’intérêt d’une immersion de six mois en milieu rural, avec des responsabilités, parfois les premières dans leur parcours professionnel.
Ces échanges s’inspirent d’Erasmus en proposant à des jeunes une expérience loin de chez eux, au service de l’intérêt général, mais sans autre garantie qu’un logement sur place et un référent au sein de la collectivité.

Un renfort inespéré

A Saint-Saturnin-de-Lenne (Aveyron, 291 habitants), Yves Bioulac se félicite de l’expérience menée avec Insite en 2023, et qu’il vient de reconduire. « C’est un apport majeur », affirme le maire, qui mise sur l’animation socio-culturelle pour garder son village vivant en toutes saisons. Les deux premiers jeunes, recrutés en visioconférence, ont eu pour mission de créer des activités en lien avec les associations du village. Sont ainsi apparus des soirées karaoké, crêpes, théâtre, des apéros musicaux jazzy les vendredi soir, des randonnées gastronomiques… Une réussite pour la vie locale : « nous avons entre 50 et 100 participants à chaque manifestation », témoigne le maire, qui a toutes les raisons de se féliciter de l’expérience. « Entre ce que cela nous coûte et ce que cela nous apporte, le coefficient multiplicateur est assez phénoménal », estime-t-il. La commune ne rémunère pas les jeunes en service civique et Insite se charge de toute la gestion financière et administrative. Restent à sa charge le logement (loué 400 à 500 € mensuels) et une subvention globale à l’association d’animation à laquelle participent les jeunes (8 000 à 9 000 € par an). Le succès se fonde sur la sélection initiale des jeunes candidats « qui ont envie de bien faire et qui partagent nos valeurs », résume l’élu. En contrepartie, les jeunes sont considérés comme des acteurs locaux à part entière : « ils ne doivent pas faire plus ou moins que les bénévoles », estime Yves Bioulac, qui insiste sur l’importance d’une réciprocité à la fois concrète et symbolique pour que l’expérience soit réussie.

La perspective de rester dans la commune

L’expérience a également été concluante à Barenton (Manche, 1 240 habitants), qui l’a renouvelée cette année après avoir tiré un bilan positif en 2023 : « dans l’ensemble, les jeunes ont été très satisfaits et surtout heureux qu’on leur fasse confiance en leur donnant de l’autonomie », explique le maire, Stéphane Lelièvre. L’élu s’est impliqué personnellement en tant que référent, tandis qu’un de ses adjoints l’a été pour l’autre jeune en service civique. Les jeunes ont eu beaucoup d’autonomie pour remplir leur mission au service de la biodiversité : créer des sentiers de randonnée pour attirer dans la commune des visiteurs intéressés par son patrimoine naturel, notamment ses mares. Chaque lundi matin et mercredi soir, le maire échangeait avec les jeunes en mairie pour suivre le projet. Un fonctionnement sans accroc notable, fondé sur une préparation minutieuse dès l’appel à candidatures. La commune a bénéficié d’un diagnostic d’Insite qui a interrogé les élus, les associations et les habitants avant de chercher des candidats.
Cette phase a permis de cibler le besoin local et les profils des candidats. « Des jeunes attirés par la biodiversité, la nature et la randonnée, car 70 % de nos missions portent sur ces sujets », résume Stéphane Lelièvre, qui a dû convaincre les candidats. En retour, la commune bénéficie désormais d’itinéraires qui attirent davantage de visiteurs et a continué à profiter de l’expérience acquise par les jeunes : elle en a recruté un à la faveur d’un départ à la retraite d’un de ses agents techniques. Une continuité qui profite autant au jeune embauché qu’à la municipalité.

Jean-Philippe ARROUET le 10 juin 2024 - n°510 de La Lettre du Maire Rural