Éditions Sorman

« La question de la place des maires est d’autant plus prégnante dans les EPCI dits « XXL » qui ne doivent pas les déposséder de leur rôle décisionnaire malgré le poids tout relatif de leur voix au sein du conseil communautaire », relève Eric Woerth dans le rapport sur la décentralisation qu’il vient de remettre au Président de la République. Il salue d’ailleurs une initiative qui « a permis de créer une instance de dialogue ». Elle est issue de la loi engagement et proximité de 2019, qui indique que « la conférence des maires est présidée par le président de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. Outre le président de l'établissement, elle comprend les maires des communes membres. Elle se réunit, sur un ordre du jour déterminé, à l'initiative du président de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou, dans la limite de quatre réunions par an, à la demande d'un tiers des maires ». Ce contenu assez sommaire* laisse à chaque EPCI de la latitude pour préciser le mode de fonctionnement de sa conférence des maires.

Aucun maire tenu à l’écart

« Nous avons une grande disparité de communes, de plus de 200 à 45 000 habitants avec Melun et deux autres communes de 20 000 habitants, or ces communes n’ont pas de pouvoir majoritaire dans les instances communautaires. Ce qui est assez équilibré car elles ne peuvent pas gouverner seules », explique Frank Vernin, président de Melun-Val-de-Seine Agglomération (Seine-et-Marne, 133 094 habitants, 20 communes). Il a justement été élu à la tête de l’agglomération avec l’engagement de porter la conférence des maires. « Cette conférence a toute sa pertinence pour caler les orientations politiques qui seront décidées en bureau puis en conseil communautaire », souligne-t-il. Par rapport à ces instances où se prennent les décisions (politiquement pour le bureau et juridiquement pour le conseil), la conférence a pour atout de réunir tous les maires, et exclusivement, ce qui n’est pas le cas des 30 membres du bureau communautaire et des 74 élus qui siègent au conseil. Ensuite, « chaque maire pèse le même poids en voix donc cela permet de mettre les élus sur un pied d’égalité », note Franck Vernin.
Enfin, en l’absence de prise de décision, « le débat est plutôt respectueux et serein », se félicite l’élu. Plus qu’une énième réunion qui alourdirait l’emploi du temps des maires, la conférence est devenue un rendez-vous utile pour préparer les décisions et en comprendre les enjeux. L’ordre du jour permet ainsi aux maires d’avancer sur des dossiers essentiels comme l’accueil des gens du voyage, la Gemapi ou les transports. « La conférence des maires nous a permis d’être plus soudés et en capacité de partager les sujets », ajoute le président de l’agglomération.

Ni redondance, ni temps perdu

Melun-Val-de-Seine Agglomération a pris quelques précautions pour sa conférence des maires : entre autres, le souci d’éviter une redondance avec le bureau communautaire, en amont des séances plénières du conseil. « Nous avons bien scindé les sujets. La conférence des maires est le lieu des prises de décisions stratégiques mais pas opérationnelles. Les détails sont validés en bureau communautaire », précise l’élu.
Par ailleurs, la conférence des maires se réunit ici chaque mois. C’est loin d’être le cas partout, notamment au sein de la Communauté de communes Pays d’Apt-Luberon (Vaucluse, 29 172 habitants, 25 communes). « Nous avons réuni la conférence des maires deux fois au début, mais c’était compliqué à gérer car il faut avoir des sujets », reconnaît Gilles Ripert, le président de cette intercommunalité à dominante rurale. Il a finalement choisi une autre possibilité offerte par le CGCT : ne conserver que le bureau communautaire, lorsque ce dernier « comprend déjà l'ensemble des maires des communes membres ». C’était le cas sur ce territoire peu peuplé mais très étendu (1/5ème du département) et montagnard, où les déplacements prennent beaucoup de temps. « Le bureau communautaire se réunit tous les mois et le conseil également, nous nous réunissons donc tous les 15 jours », se félicite l’élu. Comme tous les maires siègent au bureau, ce dernier fait office de conférence des maires.
En cas de désaccord, les dossiers concernés repartent en commission. Ce fonctionnement simplifié repose toutefois sur une habitude du consensus et l’absence d’enjeux politiques trop marqués entre élus. Ici, chacun se satisfait que le bureau communautaire fasse office de conférence des maires.
*art. L. 5211-11-3 du CGTC.

Jean-Philippe ARROUET le 10 juillet 2024 - n°511 de La Lettre du Maire Rural