Préserver les chemins ruraux grâce aux randonneurs Abonnés
Nous avons interrogé Charles Péot, président du Collectif de défense des loisirs verts (Codever*), et par ailleurs conseiller municipal d’une commune de l’Yonne, sur le sujet.
Entretien.
La Lettre du Maire : quelles sont vos préoccupations en tant que défenseur des randonneurs ?
Charles Péot : en premier lieu la disparition importante des chemins ruraux. 250 000 kilomètres de chemins ont été perdus depuis les années 80. Il en resterait 750 000 kilomètres, chiffre sans doute surévalué.
La LDM : même à la baisse, on comprend qu’un tel volume justifie que la loi n’impose pas aux communes une obligation d’entretenir ces chemins. Qu’est-ce qui explique leur disparition progressive ?
C.P : le remembrement a joué un rôle. Le regroupement de parcelles rend moins nécessaires certains chemins. Il faut tenir compte également de l’appropriation illégale des chemins, soit par des propriétaires qui mettent une barrière pour les inclure dans leur propriété, soit par des agriculteurs qui les labourent ou les clôturent. Les chemins ruraux n’appartiennent pas au domaine public. Ils ne sont donc pas protégés par la règle d’inaliénabilité. La commune a des moyens réduits pour lutter contre ces appropriations et renonce souvent à mener des actions pour récupérer ces chemins.
La LDM : le sénateur Yves Detraigne avait remis un rapport à ce sujet en 2015 (rapport n° 317) préconisant des solutions qui ont été, en partie, inscrites dans la loi 3D votée en 2022. La loi prévoit notamment que la commune peut échanger un chemin rural, solution qu’interdisait la jurisprudence. Cette disposition se voulait protectrice des chemins ruraux, en permettant un réaménagement parcellaire pour tenir compte des nouvelles pratiques agricoles.
C .P : c’est en effet une bonne mesure mais elle aurait dû s’accompagner de la remise en cause des appropriations illégales. Le problème est le suivant : un chemin rural qui n’est plus utilisé par le public peut être vendu. Mais cette vente ne devrait pas être possible quand le public ne peut plus utiliser le chemin parce qu’un propriétaire privé se l’est approprié.
La LDM : la tâche des communes est compliquée. On l’a dit, elles n’ont pas forcément les moyens d’entretenir ces chemins ruraux.
C.P : justement, les randonneurs ont un rôle à jouer. La mission essentielle d’entretien d’un chemin est le débroussaillage. Or, le passage régulier de piétons ou de véhicules motorisés contribuent naturellement à ce débroussaillage. Le Parc naturel du Morvan a déjà confié à un club de randonneurs une telle mission.
La LDM : le passage de quads ou de 4X4 sur un chemin boueux n’est peut-être pas la meilleure façon de le conserver en bon état ?
C.P : nous en sommes conscients et nous avons d’ailleurs adopté une charte des bonnes pratiques. Je tiens cependant à souligner que le passage de quads ou de 4x4 peut impressionner mais des empreintes de 40 centimètres de profondeur sur un chemin ne peuvent pas être occasionnées par ces engins. Ce sont plutôt des tracteurs.
La LDM : quelles sont vos autres priorités ?
C.P : notre association se bat pour le respect de la loi Lalonde du 3 janvier 1991. Brice Lalonde souhaitait interdire le hors-piste. En contrepartie, sa loi affirmait la liberté de circulation des piétons et des véhicules à moteur sur les voies du domaine public, les chemins ruraux et les voies privées ouvertes à la circulation publique. En posant cette règle, il voulait éviter que les randonneurs doivent se promener munis d’un cadastre pour identifier les voies sur lesquelles ils avaient le droit de circuler. Cette loi a été obscurcie par la circulaire Ollin de 2007 qui a introduit la notion de voie carrossable. Un engin motorisé n’a le droit de circuler sur une voie privée ouverte à la circulation que s’il est possible d’y circuler avec une automobile. Or, cette appréciation pose des problèmes. Ainsi, un motocycliste s’est récemment blessé sur une voie dans les Ardennes et l’ambulance a dû venir le chercher. L’accident a également attiré la gendarmerie qui l’a verbalisé alors que la voie est carrossable puisque l’ambulance a pu venir le chercher. Nous militons donc pour que cette notion disparaisse du droit et que la seule restriction à la circulation soit un arrêté de police.
*Le Codever, association créée en 1987, réunit les randonneurs et a donc tout intérêt au maintien des chemins ruraux.
Michel Degoffe le 12 février 2024 - n°506 de La Lettre du Maire Rural
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